Ce que l’on croit solide se brise ; ce que l’on croit fragile se transforme. » Edgar Morin
Il y a quelques années, nous parlions beaucoup du monde VUCA : volatile, incertain, complexe et ambigu. C’était une manière de dire : nos repères changent, nos certitudes s’effritent, nos modèles se transforment. Aujourd’hui, cette grille a laissé place à une autre : le monde BANI, décrit par Jamais Cascio.
Brittle. Anxious. Nonlinear. Incomprehensible |Fragile. Anxieux. Non linéaire. Incompréhensible.
Ce prisme reflète les réalités que nous vivons chaque jour dans nos entreprises, nos institutions, nos vies. Il nous oblige à revoir en profondeur notre manière de diriger, de communiquer et de relier. Il nous invite à travailler autrement : avec plus de lucidité, plus de reliance et aussi… plus d’humanité.
Lorsque je parle ici de leadership, je parle de cette responsabilité que nous avons toutes et tous d’influencer le système par nos postures, nos choix, nos manières de communiquer. Chacun, à son échelle, exerce un leadership, qu’il soit discret, relationnel, opérationnel ou stratégique.
B comme Brittle : Fragile
Edgar Morin écrivait : « Ce que l’on croit solide se brise ; ce que l’on croit fragile se transforme. »
Nous le voyons dans les organisations : une structure peut sembler solide, jusqu’au jour où un événement – crise sanitaire, turbulence économique, changement politique – la fissure. La fragilité n’est pas une anomalie. Elle est inhérente au système.
En leadership : reconnaître ses limites sans s’y enfermer. Construire des marges de manœuvre. Ne pas confondre rigidité et solidité.
En communication institutionnelle : rendre visible la fragilité, non pour alarmer mais pour inviter au discernement collectif.
A comme Anxious : L’anxiété collective
« Vous ne pouvez pas empêcher les vagues, mais vous pouvez apprendre à surfer. » Jon Kabat-Zinn
L’anxiété est partout : peur de mal faire, peur de perdre sa place, peur de ne pas savoir. Elle n’est pas une faute individuelle à corriger, plutôt une émotion collective à reconnaître.
En leadership : écouter réellement, admettre ses erreurs, avancer même dans le doute. L’anxiété devient moins paralysante quand elle est partagée.
En communication institutionnelle : expliquer les choix, clarifier ce qui peut l’être, ouvrir des espaces de parole. Nommer l’anxiété, c’est déjà la traverser ensemble.
N comme Nonlinear : L’art de la bifurcation ou du louvoyage
Le prix Nobel Ilya Prigogine a montré que « dans le désordre apparent se cache un ordre que nous n’avons pas encore appris à lire. »
Une petite cause peut entraîner un grand effet, et inversement. Dans nos organisations, un détail oublié peut tout bloquer et un geste inattendu peut tout débloquer.
En leadership : avancer par petits pas, ajuster en chemin, s’appuyer sur les valeurs comme repères. Développer son intuition, la cultiver comme une compétence.
En communication institutionnelle : raconter les changements, donner du sens aux ajustements. Le récit collectif fait tenir ensemble ce qui, sinon, semble fragmenté. Il évite par ailleurs la multiplication de rumeurs.
I comme Incomprehensible : Trop d’infos, pas assez de sens
L’essentiel est invisible pour les yeux. » Saint-Exupéry
Jamais nous n’avons eu autant de données, de tableaux de bord, de reporting… Et jamais nous n’avons eu autant de mal à discerner ce qui compte.
En leadership : ralentir, discerner, choisir les bons indicateurs. Pas seulement financiers, mais aussi humains, relationnels, écologiques. Avancer malgré l’incertitude, en cohérence avec ses valeurs.
En communication institutionnelle : filtrer, hiérarchiser, traduire. Privilégier la clarté à l’exhaustivité. Créer du sens plutôt que du bruit.
Le travail intérieur
Henri Bergson disait : « L’intuition n’est rien d’autre que l’intelligence qui s’est précipitée. »
Dans un monde BANI, aucun plan rigide ne tient. Traverser ce monde demande un travail intérieur en profondeur (n’hésitez pas à lire mon autre article sur l’ACT :
- Accueillir la fragilité et l’anxiété.
- S’ancrer dans ses valeurs quand tout tangue.
- Cultiver la connexion tête – cœur – corps pour ne pas s’épuiser.
- Développer son intuition, et apprendre à lui faire confiance.
- Avancer malgré l’incertitude, en acceptant l’erreur comme apprentissage.
- Se concentrer sur les bons indicateurs : ceux qui respectent le business, les équipes, les clients et l’environnement.
La communication pour relier
Dans un monde BANI, la communication institutionnelle est vitale et donc stratégique.
Elle donne du sens, crée des repères, relie les personnes entre elles et au projet collectif. Elle permet à chacun de voir où il se situe et de comprendre pourquoi son rôle compte.
Trois mouvements essentiels :
- Donner du sens : traduire les décisions, montrer les liens, contextualiser.
- Créer des repères : instaurer des rituels, des moments de dialogue, des feedbacks réguliers.
- Relier : ouvrir des espaces de dialogue, de réflexions, même dans l’incertitude.
Accepter pour s’engager dans des actions qui ont du sens
Oui, le monde est fragile, anxieux, non linéaire et souvent incompréhensible. Nous n’avons pas d’autre choix que de l’accepter. Alors, plutôt que de subir, engageons-nous dans des actions qui ont du sens. C’est là que se trouve notre vraie puissance collective.
Pistes pour traverser BANI
- Reconnaître la fragilité.
- Autoriser le droit à l’erreur.
- Nommer l’anxiété, pour la traverser ensemble.
- S’appuyer sur ses valeurs comme boussole.
- Avancer malgré l’incertitude, et accepter l’erreur comme apprentissage.
- Développer son intuition, elle peut devenir une compétence clé.
- Cultiver la flexibilité intérieure.
- Communiquer pour relier, et donner du sens.
- Se concentrer sur les bons indicateur